Sunday, January 27, 2008


Exposition photo: "A la rencontre de la matière..."
Texte de Hatem Bouriel paru sur le journal "Le Temps" du Samedi 10 Mai 2008.

Photos : "A la recherche de la matière" à la galerie Essaâdi
Les évidences secrètes de Slim Gomri


Passionné de photographie, Slim Gomri aime tout autant sortir des sentiers battus du conformisme. A preuve, la nouvelle collection qu'il expose actuellement à la galerie Essaâdi à Carthage.
Sobrement intitulée : "A la recherche de la matière", l'exposition de photographies de Slim Gomri révèle un artiste de la texture évoluant entre minéral et numérique. Articulée autour d'un concept simple, cette exposition est un voyage dans un monde de détails, une invitation à la découverte des mille et une couleurs et matières qui fondent l'artisanat tunisien que le photographe saisit dans l'intimité de ses textures.
Il fallait y penser : le projet de Gomri est en effet, de sublimer et magnifier la matière ou plus précisément le matériau, cette matrice de tout artisanat. Allant donc à la rencontre d'une infinité de détails, Gomri retrouve le filigrane de toute chose, son essence même.
Dès lors, c'est à un véritable génome de la création artisanale que notre regard est confronté. Aussi bien la structure plastique des photographies que leur format inaccoutumé libèrent la créativité de l'artiste et instaurent un univers parallèle fourmillent de détails, d'ombres, de scories et de plénitude. Originale démarche qui se réapproprie l'objet artisanal en l'abolissant, en investissant ses replis secrets et invisibles.
Regard inédit sur le patrimoine envisagé ici non plus dans sa beauté relative mais dans son agencement profond, ce qui le fonde matériellement. Seul, dans le domaine tunisien, un Lorand Gaspar avait approché ces évidences secrètes. Car il ne s'agit pas ici d'un simple dialogue entre objet et objectif mais d'une authentique réflexion philosophique sur la matière, le jeu des éléments, la fugacité changeante de la lumière. Ce sont Merleau-Ponty, Heidegger et Gaston Bachelard qui surgissent au fil des images, des taches indistinctes ou des réseaux de signification.

Une plasticité virginale
L'esthétique est quant à elle bien au rendez-vous. Car le risque d'une démarche cérébrale revient parfois à annuler la beauté plastique. Ici, les œuvres sont de cette plasticité virginale qui remonte les chemins de la création, dénoue le fil des métamorphoses et des générations spontanées.
Slim Gomri ne cède à aucune tentation documentaire. Pour lui, le regard et l'émotion esthétique priment sur le socle théorique qu'il investit. Seuls les titres des œuvres sont un prolongement énigmatique de la réflexion antérieure à l'œuvre proprement dite.


L'artiste intitule ses œuvres : Noir désir, Rêve orange, Métal attitude ou Touches berbères. Ce faisant, il se distancie par rapport aux photographes qui ne voient dans le patrimoine que l'objet ou la dimension ethnique.
Franc succès donc pour cette exposition qui se poursuit jusqu'à la semaine prochaine avec le soutien d'un mécène privé, en l'occurrence la société de promotion immobilière Edifia, organisatrice de l'événement.
Dès lors, Slim Gomri peut savourer le succès rencontré par ses œuvres et rêver au livre de photos qu'il prépare actuellement sur le thème de la ville de Radès.
Hatem NOUREDDINE